Le 2ème colloque sur l’alimentation et la nutrition en EHPAD organisée par le Groupe ACPPA s’est déroulé le jeudi 08 février 2018, au Domaine Saint Joseph à Ste-Foy-les-Lyon (69), avec pour fil conducteur « le plaisir à table autour des textures modifiées », en présence de Michel BRAS, Chef cuisinier, triplement étoilé, élu le plus influent du monde par ses pairs en 2016.
Pour introduire ce colloque, il nous a paru important d’apporter un regard « autre » que celui de professionnel de l’alimentation, un regard qui peut déranger et remettre en question un fondamental « le repas collectif en EHPAD ».
Résumé des interventions :
Regard porté par une Sociologue sur l’alimentation en EHPAD par Laura Guerin, sociologue
À partir d’une démarche ethnographique, le travail de thèse de L. Guerin interroge le maintien du repas collectif en EHPAD. Préconisé par les politiques de santé publique et la littérature professionnelle comme gage de soin et de sociabilité le repas en commun n’en est pas moins une épreuve quotidienne au sein des établissements qui imposent des ajustements pratiques afin de correspondre, autant que possible, aux attentes sociales qu’il cristallise. Le souci du repas n’étant pas pareillement partagé dans l’institution, il est l’objet de tensions quotidiennes. D’une part la prévention et la lutte contre la dénutrition font du repas un moment de soin pour les professionnels de première ligne, imposant le respect de prescriptions médicales par l’intermédiaire de régimes alimentaires particuliers et la surveillance des consommations. D’autre part le repas est principalement un service pour les résidents pouvant à ce titre, être critiqué et rejeté. Or ce qui est impensable en EHPAD est de ne pas veiller à garantir les consommations alimentaires des résidents, ce qui nous amène à interroger la question morale en jeu, et nous demander en d’autres termes « dans quelles conditions pratiques et de quelles manières chacun d’entre nous peut espérer quitter ce monde » En effet, « laisser faire » la dénutrition apparait au nombre des intolérables contemporains, des formes de contraintes consistant à faire manger sont progressivement légitimées, qui laissent percevoir une construction normative de la fin de vie en institution où la prise de risques est minimale. Pour tenir ensemble toutes les exigences contradictoires, plusieurs actions institutionnelles visent à réenchanter l’expérience du repas, notamment garantir la présence de différences sociales à table pour rendre visible le respect de l’individualité. Ensuite nous avons souhaité décliner avec des retours d’expériences de terrain et des interventions plus théoriques les difficultés et les réussites pour répondre à une contrainte : la déclinaison du « repas dit à texture normale » en repas à texture modifiée Un outil qui devrait dans les années à venir permettre une standardisation de la caractérisation des textures modifiées
IDDSI : Initiative internationale de standardisation des textures pour dysphasique. Approche rhéologique pour la caractérisation des textures modifiées par Lucie Borjon, Responsable BU Dysphagie
L’IDDSI est une initiative portée par un groupe de volontaires de diverses professions incluant nutrition et diététique, médecine, orthophonie, ergothérapie, soins infirmiers, sécurité des patients, ingénierie, science alimentaire et technologie du monde entier qui se sont réunis pour développer une terminologie internationale standardisée et des définitions pour la texture modes aliments à texture modifiée et liquides épaissis pour les personnes souffrant de dysphagie.
1ère Table Ronde : Présentation du programme de Recherche mené par SODEXO : Mixons Moins, Mangez mieux.
Modérateur : Didier Pison. Avec Michel Bras, cuisinier, chef triplement étoilé, Yann Tannou et Xavier Cormary, orthophonistes libéraaux, formateurs en établissements recevant des personnes âgées, et Martine Culis, diététicienne diplômée d’état, spécialiste de la restauration des personnes âgées chez Sodexo.
Pourquoi servir des repas mixés en EHPAD ? Une déglutition rendue difficile et des complications connues de tous… En réponse : des textures de plus en plus modifiées. Mais cette réponse est-elle adaptée ?
Face à la généralisation non justifiée des textures modifiées dans les EHPAD, un collège pluridisciplinaire d’experts ont défini un plan de prévention ABC (Autonomie-Bouche-Cuisine) ayant pour objectif de préserver le plaisir de s’alimenter et la qualité de vie des résidents de ces établissements. Il consiste à proposer des aliments plus adaptés aux problématiques des personnes âgées dans le cadre d’actions soignantes appropriées. Une recherche scientifique a été menée sur toute l’année 2016 afin d’évaluer l’impact de ce plan prévention. Les résultats sur le plaisir (+12,5% du degré de satisfaction des résidents et +9% de la satisfaction des soignants), l’autonomie, l’utilisation de compléments alimentaires (2,5 fois moins de Complément nutritionnel oral, 2 fois moins de boisson en texture épaissie) ou encore la nutrition sont très encourageants.
Un programme pluridisciplinaire où nous avons tous le même objectif : «le plaisir de la personne âgée». Ce qui change c’est aussi la présence au moment du repas, les gestes pour accompagner, les paroles pour encourager, les interactions humaines avec chaque résident pour stimuler ses sens et sa mémoire.
Ce programme redonne du sens pour chacun d’entre nous :
• Aux personnes âgées, du sens à leur vie à table
• Aux cuisiniers, du sens dans ce qu’il prépare au quotidien et du plaisir partagé au repas
• Aux soignants dans l’importance de la relation à table.
2ème Table Ronde : Les textures modifiées entre théorie et pratique. Avec Virginie Pouyet (Nutrisens) et Agnès Giboreau (Institut Paul Bocuse) Julien Garnier (SENES-ec6 ) et l’équipe de MEDIREST. Modérateur : Jean-Marc Thoumieux.
De la réflexion à la réalisation opérationnelle en établissement
Ce retour d’expérience a mis l’accent sur les « essentiels » pour réussir à déployer un tel projet : La formation des personnels afin de les faire adhérer : Formation au pourquoi d’un mixé. Mais aussi formation au plaisir gustatif du « mixé » : dégustation des mixés par les soignants, « repas mixés » retrouvés dans le menu du restaurant du personnel. Travailler l’organisation des équipes cuisines : la montée en compétence de tous les personnels cuisinant… Une mise en oeuvre progressive : associer toujours le plaisir : donner « envie », mais maintenir les besoins nutritionnels. Travailler en suivant des étapes de mises en oeuvre afin de faire adhérer tout autant les résidents, les personnels, et les familles Attractivité de différentes recettes manger-main chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées.
Attractivité de différentes recettes manger-main chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées
Cette étude a été conduite sur l’attractivité de manger-main chez 114 personnes âgées atteintes de la maladie Alzheimer. L’objectif principal de cette étude est de tester si la modulation de paramètres de formulation d’un aliment influence les choix et la consommation alimentaire de patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Trois paramètres de formulation : la présence de sauce, la forme et la couleur des manger-main, ont été sélectionnées à partir d’une enquête réalisée auprès de praticiens et soignants en EHPAD. Ces paramètres de formulation ont ensuite été évalués indépendamment dans 8 EHPAD grâce à des tests par paire réalisés en situation réelle de repas. Chaque midi et pour le plat principal, les sujets recevaient individuellement une assiette contenant deux types de manger-main variant suivant un paramètre donné (4 repas suivis par paramètre et par EHPAD). Pour le paramètre sauce, les sujets recevaient une assiette avec des manger-main avec vs. sans sauce, pour le paramètre forme des manger-main carrés (découpés) vs. moulés (forme plus sophistiquée) et pour le paramètre couleur des manger-main bicolores vs. unicolores. Afin de convenir aux sujets souffrant de troubles de mastication et de déglutition, tous les manger-main ont été formulés à partir d’aliments mixés. Les résultats révèlent que les manger-main formulés avec de la sauce (vs. sans) et bicolores (vs. unicolores) ont été significativement plus choisis en premier et consommés. En revanche la forme n’a pas eu d’influence sur les choix et la consommation des sujets. Cette étude montre finalement qu’il est possible de mettre en avant des facteurs d’attractivité chez les personnes âgées souffrant de troubles cognitifs. Il est donc important de prendre en compte ces facteurs dans la conception d’offres alimentaires à destination de ces patients.
La recherche appliquée au travers du programme R&D RENESSENS
Réussir écologiquement une Nutrition équilibrée et sensoriellement adaptée pour Senior. L’objectif de RENESSENS est d’améliorer le rendement alimentaire des seniors dépendants, en développant des solutions permettant de « personnaliser » la prise en charge de ces derniers. Il s’agira de développer :
- Un outil de diagnostic permettant de déterminer le profil de mangeur d’un senior ;
- Des stratégies d’intervention adaptées à chaque profil. Ces stratégies incluront des recommandations (conseils nutritionnels, plan alimentaire…) et des solutions (suggestions d’aliments, de techniques culinaires, de services…) ;
- Un plan de formation pour mettre en oeuvre l’outil de diagnostic et les stratégies. Cette approche sera proposée sous la forme d’un guide qui combine ces trois aspects (« Diagnostiquer pour mieux nourrir »), afin de pouvoir proposer à chaque senior une alimentation qui tient compte de ses besoins, capacités et préférences.
Conclusion et perspectives : Retour d’expérience sur une analyse des jetées alimentaires. Albane Guisti diététicienne diplômée d’état et Catherine Alvan directrice Bien Etre et Soin du Groupe ACPPA.
• Il faut savoir maintenir le plus longtemps possible l’autonomie des résidents et pour cela former le personnel aux diverses actions qui permettent de favoriser cette autonomie (matériels, temporisation, etc ...)
• Il faut assurer une bonne hygiène bucco-dentaire des résidents afin de favoriser cette autonomie (soins bucco-dentaires, prévention, etc ...)
• Enfin en suivant les préconisations de la grille IDDSI, adapter le « savoir-faire » culinaire des chefs afin d’apporter une technique qui permet la cuisine d’un aliment qui se mâche facilement, qui glisse ..., soit un aliment répondant au niveau 6 de la grille IDDS